Les enfants sourds au Bénin sont considérés comme les délaissés du système éducatif. Le nombre de collèges privés pour sourds et malentendants est médiocre, ne dépassant pas les cinq ou six écoles. Il fallait attendre l’année 2012 pour voir ouvrir le premier –et le seul- collège public pour les malentendants. Les conditions d’apprentissage au collège laissent encore à désirer.
En 2013, la plupart des enfants souffrant de surdité n’ont pas accès à l’éducation, quant à ceux qui sont scolarisés ils ne dépassaient pas le niveau CM2 étant donné que les quelques établissements qui leurs sont réservés ne vont pas au-delà de la primaire. D’autre part, le coût de scolarisation des collèges privés est très élevé pour les citoyens béninois qui se trouvent, dans la plupart des cas, obligés de garder leurs enfants à la maison.
Absence de la prise en charge et de l’éducation des sourds
En Afrique noire et en particulier au Bénin, il n’existe aucune prise en charge précoce de la surdité. Les efforts que le gouvernement commence à fournir demeurant insuffisants. Selon la revue Médecine d’Afrique Noire «En Afrique noire, il n’existe pas de politique de dépistage néo-natal de la surdité, il en est de même des structures de prise en charge du petit enfant sourd.» De ce fait, la surdité est détectée tardivement dans la plupart des cas et laisse la famille et l’entourage de l’enfant perplexes et livrés à eux-mêmes. Le rapport de la Banque Mondiale, concernant Bénin, précise que «les services d’orthophonie pour la rééducation du langage et le dépistage des troubles de l’audition sont inexistants.» (Banque Mondiale, 2009: 24).
Les quelques établissements des jeunes sourds béninois se contentent de mettre en place la méthode gestuelle ; une méthode qui ne cherche ni à acquérir la parole, ni à améliorer l’audition; seuls l’apprentissage du langage gestuel, la lecture labiale et le langage écrit sont de vigueur.
Appareiller ou implanter un sourd est ici difficilement envisageable à cause des coûts trop élevés que cela engagerait ; d’où les efforts de faire oraliser ou articuler un sourd sont absents. On donne plutôt la priorité à la communication gestuelle. Les personnes atteintes de surdité ne reçoivent en effet aucune aide gouvernemental ; si elles doivent s’équiper d’un appareil auditif, c’est entièrement à leur charge.
Les structures d’accueil pour les jeunes sourds ne commençaient à se développer au Bénin que depuis une vingtaine d’années, et le rythme de leur évolution reste très lent. Parmi les cinq ou six écoles privées et le seul collège public laissé à l’abandon par le gouvernement, seule l’école de Louho propose un enseignement suivi après le niveau primaire. Faute de moyen et vu que l’état ne donne presque aucune subvention, les autres établissements ne fournissent que l’enseignement primaire. Par ailleurs, la plupart des écoles sont concentrées dans le sud du pays, (à l’exception de celle de Parakou) ce qui augmente la distance géographique avec les sourds du nord.
Le seul collège public : conditions lamentables
Le collège d’Akogbato est le seul établissement public d’éducation des enfants sourds. Le visiteur de cet établissement peut constater dès le premier coup d’œil les conditions difficiles auxquelles sont confrontés les élèves et l’équipe pédagogique du collège. Le bâtiment se trouve dans un état lamentable : fenêtres rouillées, toitures trouées…..Les professeurs, eux-mêmes sourds et malentendants, ne sont pas formés pour enseigner malgré leurs études supérieures. Par ailleurs, le collège est situé dans une zone privée d’électricité, loin du centre-ville et des routes; les enfants ne peuvent s’y rendre qu’en taxi-moto ce qui coûte cher pour les familles. Du coup, un grand pourcentage des enfants sourds se voient privés de leur droit à l’éducation ; sans instruction, ils restent à la charge de leurs parents.
Même si l’ouverture du collège d’Akogbato est un pas vers l’avant, les sourds restent largement marginalisés tant sur le plan de l’enseignement que dans le monde professionnel où ils sont encore et toujours victimes de discriminations.
Les établissements privés et la lutte pour l’éducation des malentendants
Les établissements privés et les centres de formation essaient de faciliter l’intégration des personnes malentendantes dans la société. Parmi ceux-ci on site particulièrement : le CAEIS de Louho (Centre d’Accueil, d’Education et d’Intégration des Sourds) à Porto-Novo et le centre pour la promotion des initiatives des sourds situé à Alga (Cotonou).
Le Centre d’Accueil, d’Education et d’Intégration des Sourds à Porto-Novo, dont le fondateur et directeur est Raymond Sekpon, accueille les jeunes malentendants souhaitant faire des études. Grâce à de nombreux parrainages venant essentiellement d’Europe (France, Belgique, Allemagne), les élèves ont la possibilité de poursuivre des études de la maternelle à la terminale. C’est une école bilingue français-langue des signes qui a réussi à réaliser une intégration parfaite entre enfants sourds et entendants. Le centre se donne pour mission de permettre aux personnes atteintes de surdité de s’insérer dans la société ; plusieurs sourds ont déjà passé le bac. Cette école ne reçoit aucune subvention de l’Etat béninois et les parents ne peuvent pas payer le coût des études et de l’internat. En effet avec un salaire minimum de 30 000 FCFA, il est quasi-impossible pour un parent de payer une somme allant jusqu’à 480 000 francs CFA (environ 730 euros) l’année pour scolariser son enfant. Toutefois, les parrainages des enfants de la part des personnes privées en France et en Belgique ont permis à un certain nombre d’enfants d’avoir accès à l’éducation dans cette école.
Quant au centre des sourds situé à Alga (Cotonou), il est crée par un groupe d’anciens élèves de la première école publique béninoise des sourds. En 2005, ils ont créé le Centre pour la Promotion des Initiatives des Sourds du Bénin (CPISB), grâce à l’aide financière des coopérations Française et Canadienne ainsi que de l’Agence de Francophonie. Le centre était destiné à la formation en métier mais à la demande des parents d’enfants sourds une partie du centre a été transformée en école. « En créant ce centre en 2005, nous avions l’intention d’ouvrir un centre de formation pour adulte, mais très tôt, on l’a transformé en école parce que les parents nous envoyaient des petits enfants sourds-muets. Aujourd’hui, nous avons 75 pensionnaires dont 65 petits enfants et 10 adultes », explique William Loko-Roka, le directeur exécutif de ce centre. Malgré la précarité des conditions de travail, l’équipe est déterminée à relever le défi et prendre en charge les jeunes malentendants. « Ce centre ne reçoit pas des aides de l’Etat et les parents qui envoient leurs enfants ici n’ont pas des moyens pour nous aider à les prendre en charge. Nous n’arrivons pas souvent à joindre les deux bouts à savoir : acheter les matériels didactiques, donner à manger aux enfants, payer les enseignants, leur trouver où dormir parce que leurs maisons sont éloignées du centre. C’est un grand défi qu’on s’est lancé et nous espérons le relever avec l’aide de tout le monde », poursuit Wiliam Loko-Roka.
En attendant une prise en charge plus ample des sourds et un développement des établissements publics d’enseignement, les jeunes béninois souffrant de surdité continuent à se battre pour avoir le droit à l’éducation et à l’intégration dans le monde professionnel.